
Elise au pays des merveilles - Sylvain Onckelet
Concours : Sélectionné pour le Prix du Jeune Ecrivain Français (PJEF) 2010
Sommaire :
- I. La folie d'Ommadawn
- II. La première mort
- III. On-dit et non-dits
- IV. Un sonnet chez les fous
- V. Sans-visage et cent-visages
- VI. Un petit chemin grisâtre
- VII. Happy beginning ?
- Annexe
ELISE AU PAYS DES MERVEILLES
I.La folie d’Ommadawn
Elise souriait. Dans une flaque d’eau, elle observait le reflet d’un ciel crépusculaire. Une douce soirée de fin janvier, avec dans l’air, encore flottant, les cendres de décembre. Janvier est un drôle de mois, pensa Elise. Au fur et à mesure que l’on avançait dans le temps, le jour volait de plus en plus de temps à la nuit.
La mutation, d’abord chevrotante, s’affirmait de jour en jour. Une période de transition, de magie naturelle. Ce mois, c’est comme au réveil, après un rêve. Déjà, le rêve s’efface, et on essaye d’en garder un petit morceau, comme une trace sur la buée d’une vitre disparaissant peu à peu. Le rêve s’efface doucement, écrasé par le jour, l’éveil, la conscience. Janvier était comme ce moment là, l’hiver était encore présent, mais disparaissait peu à peu.
Elise rejeta un regard à la flaque d’eau. Elle eut une drôle de pensée ; si on sautait à pied joint dedans, probablement que l’on tomberait dans le ciel. Oui, les flaques étaient des portes ouvertes vers un autre monde. Cette idée –sotte au possible-, la fit pousser un petit rire. Elle se retint de le prolonger plus longtemps, de façon à ne pas attirer l’attention des quelques autres personnes qui attendaient leur bus. Rire seul, de nos jours, c’est courir le risque de faire croire que l’on est fou. Elle ne voulait pas, non, que les autres la pensent folle.
Le bus arriva enfin, la tirant de ses rêveries. Elle entra, composta son ticket, trouva sans peine une place où s’asseoir et s’installa confortablement. Elle tira un peu son écharpe et sortit de sa poche un lecteur MP3, soigneusement enveloppé dans une housse de tissus, sur lequel un petit lapin blanc était cousu.
La jeune demoiselle était heureuse ; après une longue journée de cours, elle pouvait enfin écouter la petite merveille qu’elle avait dénichée hier soir. Ommadawn de Mike Oldfield. Elle l’avait entendu, la veille, dans la voiture de son père. Elle avait aimé. Et c’était empressé d’extraire les pistes.
Ommadawn c’était un trip hallucinogène. Où l’on passe, d’une seconde à l’autre, à des émotions totalement différentes. Une mélodie simple, construite sur des répétitions. Tantôt rassurante, tantôt agressive, même hostile. Viennent s’inviter ponctuellement au voyage des instruments tels que la cornemuse, la flûte et des percussions. On s’envole, avec des notes simples.
Le bus avançait. On aurait dit que c’était la mélodie qui faisait avancer le véhicule. A chaque arrêt, quelques passagers sortaient. Des ombres, ces inconnus. Des visages fermés, impassibles. Les passagers ne se regardaient pas. Ils s’ignoraient les uns les autres. Se cachaient dans leur MP3 ou leur téléphone portable. Les dernières ombres sortirent, le bus n’eut plus qu’Elise pour seul passagère. Elle espérait encore rester longtemps une enfant. Pour ne pas devenir un de ces monstres grisâtres, sans joies, sans rêves, sans humour, sans vie en fait.
Il lui restait encore un long moment à attendre avant d’arriver chez elle. Et au fur et à mesure que le temps coulait, et que la nuit s’installait, dévorant peu à peu les campagnes environnantes, quelque chose gênait de plus en plus Elise. La musique. Non, Ommadawn était toujours aussi splendide. Seulement, seuls les morceaux « rassurants » étaient restés. Les passages plus sombres, qui ne faisaient pourtant qu’un avec les autres, avaient disparu. Comme censurés par une force supérieure. La musique transportait toujours. Mais quelque chose manquait.
**
Partout la nuit. Où… où était-elle ? Elle avait dormi. Le bus était faiblement éclairé. Le bus. Elle aurait dû… être déjà arrivée ?! Le MP3 était toujours allumé. Mais… la musique était revenue. Les rythmes hostiles, la face sombre d’Ommadawn était de retour. Comment cela se pouvait-il ?
Il fallait que la jeune fille sorte. Il se faisait tard. Etrangement, les paysages ne lui étaient pas familiers. Elle avait dépassé son arrêt ! Zut, il n’y avait que ça de possible ! Les champs… Sous la pleine lune, les hautes herbes remuaient sous le vent comme les flux et reflux de l’océan, un véritable paysage à la Miyazaki.
Puis, sortant de nulle part, des lueurs apparurent au dessus de la mer. Des centaines de feux-follets, apparaissaient d’on ne sait où, un spectacle aussi effrayant qu’attrayant, aussi magnifique qu’horrifique, aussi effroyable qu’incroyable ! Elise eut un frisson, de peur et de fascination mêlées. Elle savait que les feux-follets étaient des phénomènes naturels, scientifiquement explicables et acceptables, résultats du mélange de méthane et de gaz issu de la putréfaction de matière organique en décomposition.
Elle était en S, et aimait bien étaler sa culture.
Sauf que sa culture, là, elle l’envoyait paître. La jeune fille courut à l’avant du bus. Pourquoi ? A vrai dire, elle ne savait pas elle-même. Une petite minute… elle avait arrêté son lecteur MP3 et pourtant… la musique continuait ! D’elle-même ! Elise se précipita à l’avant du bus, pour parler au chauffeur.
En fait, il n’y en avait pas. La jeune fille blêmit d’horreur. Qu’est ce que… Soudain, le bus s’arrêta et la porte s’ouvrit.
Ni une, ni deux elle se précipita à l’extérieur. Sauf qu’elle n’atterrissait pas dans la sombre prairie de la campagne. Elle tombait dedans.
II. La première mort
En fait, plonger dans la terre n’était pas le terme adéquat. Elise nageait plutôt dedans. D’abord surprise, elle remonta à la surface et constata avec étonnement qu’elle n’était pas trempée. La jeune fille nageait dans quelque chose de non solide. Absurde. Nous sommes en pleine campagne, et non en pleine mer.
Le bus était parti. Loin, très loin. Bon, le tout était de quitter cette mare. Car s’en était une. Obligatoirement. Elle ne pouvait être en pleine mer. Totalement absurde. Incorrect sur le plan logique, physique, scientifique, géographique et j’en passe et des meilleurs…
Pourtant, même si la mer n’existait pas, elle était étonnamment chaude. Il était idiot de sortir la tête de l’eau, car la surface était bien plus froide. Elise n’avait pas besoin de respirer dans cet étrange liquide. Elle se laissa doucement porter vers le fond.
Etonnamment, cet océan qui en était un, même si c’était impossible, était lumineux. De plus en plus absurde. Mais au combien séduisant. Elle devait rêver, autant se laisser porter. Une étrange lumière, légèrement tamisée, comme celle des ampoules des lampes de chevet, ou bien celle des échographies… Elle ne nageait pas, en fait, elle en était capable, mais pouvait tout aussi bien avancer normalement sans que l’eau n’entrave ses mouvements.
Elle toucha terre, fit quelque pas dans ce nouveau monde et s’arrêta. Devant elle, il y avait un enfant nu, entièrement nu, flottant délicatement au dessus du sol, relié par un cordon ombilical à la surface. Cette étrangeté décontenança quelque peu Elise. En effet, non seulement l’enfant avait passé l’âge de se lover dans le ventre maternel, mais de plus, cela signifiait qu’elle était elle-même dans un gigantesque placenta…
Puis, elle remarqua que ce n’était pas le seul enfant. Il y en avait d’autres, de tous âges, quelques ados et très peu d’adultes. C’était donc un champ où poussaient des humains. Enfin, un champ à l’envers. Elise observa plus loin un étrange insecte, monté par une minuscule créature sombre.
Elise s’avança, sans crainte, ce qui était vraiment curieux. L’insecte ressemblait à une mante religieuse. Sauf qu’à la place des pattes antérieures habituelles, l’animal possédait des lames de faux. Il était en train d’observer Elise, quand l’un des « fœtus » (un fœtus d’une dizaine d’année tout de même) se mit à pleurer. L’animal trancha alors le cordon ombilical du fœtus, et celui-ci remonta à la surface, tel un ballon d’hélium lâché à l’air libre.
Le petit être en noir, assis sur le dos de la bestiole prit un air satisfait. C’était en fait un petit squelette encapuchonné, comme les allégories de la mort qu’Elise avait vues dans les livres d’histoires. Bien que peu ravie à l’idée de discuter avec la mort, Elise se décida à entamer la conversation, d’un ton mal assuré.
-Bonjour, je prends mon courage à deux mains pour vous demander…
-De quelle taille est-il ? Coupa l’être.
-Je vous demande pardon ?
-Ton courage. Foi de petite faucheuse, j’ai beau essayer, pas moyen de le voir.
La mante religieuse poussa un petit cri strident pour montrer son accord.
-La petite faucheuse ? On ne dit pas plutôt la grande faucheuse ? Et puis c’était une métaphore, pour le courage, et…
-Erreur. Je suis la première mort. Celle qui arrive aux enfants qui arrêtent de rêver. Ils naissent alors à nouveau et deviennent ce qu’on appelle des adultes. Je coupe alors le cordon, et ils remontent à la surface. Enfin c’est ma mante pas très religieuse qui coupe le cordon, en réalité, mais c’est moi qui décide qui remonte et qui reste. Une brave bête, hein ma mimine ?
Sur ces mots, la petite mort caressa doucettement la tête de l’animal. Elise était vraiment décontenancée, elle ne comprenait un traitre mot de ce que la mort disait.
-Une mante pas très religieuse ?
-La mort n’est en général pas très religieuse. En fait, les religions passent vite ce détail. Elle se charge plutôt de ce qui se passe après la tombée du suaire…
Ce qu’il y avait de surprenant, enfin de plus surprenant que la réponse, était que cette fois-ci, c’était la mante qui avait répondu.
-Mais ce n’est pas une vraie mort… juste de la maturité… dit enfin Elise.
-C’est un changement d’état. Un enfant meurt pour donner naissance à un adulte. répondit la petite mort.
-Mais, existe-t-il un moyen d’éviter ça ?
-Pourquoi veux-tu éviter la mort ? C’est une étrange idée.
-Mais le monde d’en haut est gris ! Il est tellement triste ! Je veux autre chose ! Je veux devenir autre chose qu’une ombre parmi les ombres !
-Tu voudrais donc que je ne coupe pas ton cordon.
-Je, je ne sais pas… Elise était de plus en plus décontenancée. Elle ne savait que choisir.
- Je n’ai pas trop le temps de poursuivre cette discussion. J’aimerai pourtant la courser avec toi, mais j’ai du travail à finir. Aussi, je te propose un compromis. Et si je te laissais un délai de réflexion ?
-Un délai ?
-Je te laisse quelques heures avant de choisir lequel des deux mondes tu préfères. Ça te permettra de visiter un peu ce pays, ton pays. Je dois te quitter, j’ai encore des cordons à couper avant que d’autres n’apparaissent.
Et sur ces paroles sibyllines, la petite mort s’en alla avec sa monture. Elise n’y comprenait rien. Ce monde, il ne pouvait exister, et pourtant elle y était. Elle ne pouvait avoir vu réellement la mort, en os et sans chaire, et pourtant elle l’avait vue. Les mantes gigantesques n’existaient pas, elles étaient toutes religieuses, et pourtant, elle était montée par une autre chimère. Visiter ce monde l’enchanta finalement.
III. On-dit et non dits
En fait, ce pays sous la mer était un étrange mélange d’organique et de végétal. Le sol semblait de terre somme toute normale, mais de temps à autre, ce qui ressemblait à une veine dépassait au dessus, comme une racine, et il fallait faire attention où l’on mettait les pieds. Elise entra dans une étrange forêt ; les arbres étaient bien plus hauts que d’habitude, et de couleurs diverses ; ces géants arboraient (c’est le cas de le dire !) leur parure d’hiver, d’automne, de printemps et d’été tout à la fois. Et puis il y avait aussi des champignons géants, qui rivalisaient avec ces mastodontes. Et des fougères, et des lichens, et des algues, et des orchidées…
Un petit amas de bulles s’agita sous le nez d’Elise, le tirant de ses pensées. On aurait dit une libellule formée de bulles de savons. Une lilébulle, pensa Elise, et elle poussa un petit rire. Puis l’étrange créature disparut entre les arbres (et aussi les champignons, les fougères, les lichens, les algues, les orchidées…).
La jeune fille poursuivit son chemin dans le petit sentier et entendit deux voix, qui se répondaient sur un ton monocorde. Elle tendit bien haut l’oreille tout en tentant de se rapprocher.
-Disparate !
-Sparate !
-Dyslexique !
-Slexique !
-Difficile !
-Ficile !
Au fur et à mesure qu’Elise s’approchait, les voix se firent de plus en plus audibles. Pourtant, l’ingénue ne comprenait rien à ce charabia. Bientôt, d’entre les feuilles apparurent deux étranges personnages, tout deux juchés sur des souches.
L’un était debout sur la plus haute des souches, et semblait faire la leçon sentencieusement au deuxième. Il portait de grosses lunettes et un chapeau melon et tenait une baguette qu’il agitait comme un chef d’orchestre. Il portait un étrange pardessus, sur lequel était inscrit des choses telles que : « deux plus deux égalent cinq, la terre est plate, les jeunes filles portent très bien la moustache».
Quand à l’autre, qui répondait sans cesse à l’espèce de professeur, il n’avait ni membres, ni chef, on aurait dit un vers de terre auquel on aurait coupé les bouts. D’ailleurs, comment pouvait-il répondre au second, sachant qu’il n’avait pas de bouche ? Il devait probablement être ventriloque…
-Dithyrambique !
-Thyrambique !
-Très bien, je pense que l’on peut s’arrêter là pour aujourd’hui. dit le professeur.
-Pardonnez-moi, monsieur, mais que faites-vous là ? demanda la jeune fille.
-J’enseigne le « on-dit », pardi ! C’est une langue de mon invention. Je m’appelle moi-même « On », vois-tu, mais je préfère, « On le merveilleux, le savant, le génial ». Comme dans « On a marché sur la lune », « On a perdu un chien rue Sadi-Carnot », « On n’a rien pu faire ». Je suis l’homme derrière ce sombre pronom personnel, l’inconnu que tout le monde connait.
-Et comment fonctionne-t-elle exactement ?
-Et bien moi, le grand « On » a décrété que chaque mot devait commencer par « di- ». Cela dit, j’espère que le « on-dit » fonctionnera mieux que le « non-dit ». Et cela malgré de nombreux « di-sfonctionnements ».
Elise n’y comprenait rien. Ce bonhomme était visiblement complètement fou et incroyablement mégalo ! Elle décida de changer de sujet.
-Mais qu’elle est la créature à côté de vous ?
-Le sans queue ni tête, je lui donne des cours de langue. Je pense qu’il apprécie, n’est-ce pas ? Bon, il ne peut pas hocher du chef, mais…
-Et quel est cet étrange manteau ?
-C’est un tissu de mensonge. Sache qu’On le divin est toujours enveloppé d’un tissu de mensonge.
-Pardonnez-moi, mais pourriez-vous me donner l’heure, s’il vous plaît ?
Il était vrai que l’heure tournait, et elle ne savait pas exactement combien de temps il lui restait à passer dans ce drôle de monde. A vrai dire, la petite faucheuse ne lui avait pas dit elle-même.
-Petite, il est vraiment très impoli de couper la parole à On le formidable. Désormais, je ne te répondrai plus que si tu me pose tes questions en « On-dit ».
Elise trouva le défi assez amusant. Et facile à réussir.
-Dites-moi s’il vous plaît combien de temps il me reste à passer dans ce…
-Faux ! Archi-faux ! Complètement faux ! Loin s’en faut ! Tu ne dois prononcer qu’un seul mot.
-Euh… « Ditemoisilvouplaitcombiendetempilmerestapasserdancemonde »…
-Faux ! Archi-faux ! Complètement faux ! Loin s’en faut ! Faux et usage de faux ! Ton mot est impossible, il ne correspond à aucun mot de la langue française !
-Mais pourtant le sans queue ni tête…
-Il est tout à fait normal qu’un sans queue ni tête ait des propos incompréhensibles.
Il n’y avait aucune logique dans toute cette affaire… On toisait la jeune fille comme un professeur qui voulait impressionner un élève turbulent. Ah, que ne donnerait-elle pas pour lui rabattre son caquet ! Il lui fallait une idée. Comment il s’adressait au sans queue ni tête déjà ? Ah oui ! Mais oui !
-Dealer !
-Exact… C’est… exact… Il te reste donc 4h34 à passer dans ce monde…
Le bonhomme semblait fort déçu qu’elle ait trouvé la réponse. Elise s’en alla, toute guillerette. Elle avait fait taire ce prétentieux de fort belle façon… Il lui restait suffisamment de temps pour voir encore du pays. Et donc faire d’autres rencontres, toutes aussi étranges.
IV. Un sonnet chez les fous.
Elise quitta la forêt par un petit sentier étrange, et déboula devant une vieille cahute toute déglinguée. Et c’est là, derrière un châtaigner, qu’elle aperçut le chapelier. Le chapelier de Carroll, conforme aux gravures de John Tenniel, était en train de prendre le thé, avec le loir, mais sans le lièvre de mars. Ils étaient attablés devant la maison, comme on l’est d’habitude lors des belles soirées d’été.
Cela voulait-il dire qu’elle était au pays des merveilles ? Que tout cela n’était qu’un rêve ? Elle avait donc le choix entre le rêve et la réalité ? Mais alors, c’était tout vu ! Rester dans un bon rêve était bien plus souhaitable que de stagner dans cette prison terne de la réalité.
Le cœur léger, elle s’installa à la table du chapelier et du loir.
-Tiens, il semblerait que nous ayons une invitée, arrivée pile à l’heure pour le thé, s’exclama le Chapelier, enfin je peux discuter avec quelqu’un d’éveillé.
-Mais dans votre monde, il est toujours 17h, dit dans un aimable sourire la jeune Elise. Mais pourquoi le lièvre de mars n’est-il pas avec vous, ami chapelier ?
-Justement, à cause du temps. Celui-ci stagne toujours à 17h ici, les aiguilles de nos montres s’arrêtent également. Or, la montre du Lièvre est tombée en panne. Donc, les aiguilles se sont mises à bouger –disfonctionnement fort regrettable-, il a donc pu se mouvoir à sa guise. Et a oublié notre rendez-vous constant. Mais n’est-il pas normal de se faire poser un lapin par un lièvre ?
La réflexion amusa Elise. Le Chapelier n’était pas dépourvu d’esprit. Sur la table, entre les tasses, les théières, le pain et les beurriers galopait un drôle d’appareil. Une sorte de réveil sur patte, moustachu, avec une tête de chat faisant les cent pas autours du loir, assoupi et bavant légèrement sur la nappe de la table.
-Qu’es-ce donc que cet étrange robot ? demanda Elise.
-C’est un sommeil-soir. Un appareil que l’on règle avant de s’endormir. Lorsque l’heure préalablement sélectionnée arrive enfin, l’appareil se met à ronronner paisiblement, permettant au dormeur de prolonger à sa guise son sommeil. Tant qu’il marche, c’est qu’il fonctionne.
-Quel drôle d’engin !
-Avoue plutôt que l’inverse serait absurde.
L’inverse… Ah oui ! Elle venait de comprendre ! C’est vrai qu’empêcher un dormeur de dormir plus était tout à fait stupide… D’ailleurs, est-ce que… Oui, elle pouvait lui en parler…
-Monsieur le Chapelier, dit-elle, j’aurai bien besoin de votre avis, bien que le mien soit presque fait.
-Je t’écoute jeune fille.
-Voilà, j’ai le choix entre deux mondes ; la réalité et le rêve. Or, la réalité me semble trop… froide. Trop triste. La réalité n’est pas rose avec les rêveurs. Elle semble hostile à tout ce qui dénote de l’ordinaire, du banal. Les rêveurs sont regardés de haut, dans le mépris le plus total. Alors que le monde réel est tout sauf normal. On y meurt de froid dans l’indifférence générale. On s’y fait exploiter par ses semblables. On s’y invente des vies virtuelles, pour combler les nôtres, finalement vide. Tout ce qui est absurde est banni, proscrit, alors que le monde réel est lui-même absurde. Mais c’est terminé, je mets les voiles, je m’en vais, j’ai choisi ce monde, le pays des merveilles, le rêve.
- Tu choisis le rêve. Très bien. Mais choisis-tu tout le rêve ?
-Que… qu’est-ce que ?
Sur ces mots, les mains du chapelier se détachèrent. Et foncèrent sur la table. Pour sauter au cou de la jeune fille. Elle suffoqua. Le visage du chapelier se tordit dans un sourire cruel incroyablement effrayant et une lueur perverse apparue dans son regard. Soudain, la pression se relâcha, aussi rapidement qu’elle était venue.
-Mais vous êtes complètement fou ! s’écria Elise, lorsqu’elle eut retrouvé tout à fait son souffle.
-Fou ? Cinglé ? Tordu ? Timbré? Tu trouves que j’ondule de la tôle ? Que j’ai une araignée dans le plafond, un petit vélo dans le ciboulot ? Que je suis complètement fou à lier ? Et bien oui, je suis fou, car vois-tu, je travaille du chapeau. Mais vois-tu, ce geste était nécessaire. Tu sais, tu n’es pas là première petite fille à être venue jusqu’ici. J’ai fait la même chose qu’avec toi. Tu sais comment elles ont réagi quand je leur ai dit que mes mains étaient des mains baladeuses ? Ça a éveillé des souvenirs chez elles. Douloureux. Qui revenaient toujours les hanter dans leurs rêves. Car vois-tu, c’est aussi ça le rêve. Les adultes ont plus souvent tendance à se rappeler des bons rêves que des cauchemars. Ils n’envisagent que l’enfance d’une façon édulcorée et ridicule. Sans aller jusque dans les cas extrêmes que j’ai cités plus haut, l’enfance de chacun d’entre nous n’est pas qu’un pays doux et coloré. Un peu comme Ommadawn, de ton MP3 ; on a tendance à supprimer les passages un peu sombres pour ne se rappeler que de ce qui est agréable. C’est humain. Le cauchemar est banni des humains, parce qu’il leur fait peur et pour cause ; c’est le miroir d’eux -même. Que tu le veuilles ou non, le cauchemar est indissociable de l’enfance.
Ce type était un fou. Mais un fou qui disait la vérité. Elise était toute retournée. Devait-elle fuir ? Mais fuir quoi ? Lui ou ce monde ?
-Hé bien. Je… je ne sais pas trop quoi dire… Je ne vous remercie pas de m’avoir étranglé, mais grâce à vous, j’ai choisi mon camp. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
-Ah ! Un proverbe ! Je déteste les proverbes ! Rien n’est plus illogique qu’un proverbe ! On peut dire tout autant que « les contraires s’attirent » que « qui se ressemble s’assemble » dans un proverbe. La poésie, elle, est nettement plus réaliste. La poésie peut mentir, mais jamais d’une façon moralisatrice.
Alors ce drôle d’oiseau, un moment, tente de l’étrangler, puis lui fait la morale, et ensuite disserte sur la poésie.
-Juste avant de partir, récitez m’en un, de poème, que je ris un peu! déclara Elise
-Vous connaissez « Je vous envoie… » ?
-« Je vous envoie un bouquet que main vient de trier parmi ces fleurs épanies »? De Ronsard ?
-Non, ce n’est pas ça du tout. Ecoute plus tôt :
« Je vous envoie un PV que ma main
Vient d’arracher pour stationnement interdit
Qui, le savez-vous, est un grave délit,
Flûtes à terre, tombent vos mains.
Cela vous soit un exemple certain
Vil pendard, sabotier, faquin étourdi,
Que la folie, par la mort simplement établie
Coupera votre cordon demain
Le temps s’en va, le temps s’en va, madame
Las ! Pensez à remettre de la monnaie !
Ou tôt sera le cordon coupé par la dame !
Et le chapelier cinglé avec qui vous parlez,
Quand plus là vous serez, sera tout esseulé,
Pour cela, rejoignez le monde réel ! »
-Ce poème n’a ni queue ni tête ! s’écria Elise.
Et sur ces mots, il y eut un énorme bruit de verre brisé. Puis de nombreuses lettres de verres tombèrent sur la table.
-J’en étais sûr ! Le poème était tellement mauvais qu’il s’est brisé et a donné du vers pillé !
A ce moment là, le fou enleva le chapeau de sa tête et fit disparaitre les lettres dans celui-ci.
-Et bien ? Qu’attends-tu ? Aide-moi donc !
La jeune fille s’exécuta sur le champ, sans trop savoir pourquoi. Soudain le chapelier s’arrêta et dit :
-Là ! Dans le beurrier ! Des traces de lièvre ! Le lièvre de mars ! J’en étais sur ! Il est lui aussi tombé dans mon chapeau ! Vite, va le rechercher !
Et avant qu’Elise ne puisse protester, le chapelier la poussa au fond du chapeau. Il la regarda tomber, tomber dans les profondeurs du haut-de forme.
Au même moment, au bout du jardin, apparut le lièvre de mars.
-Suis-je en retard pour le thé ?
V.Sans-visage et cent-visages.
Elise avait fait une sacrée chute, était tombée de haut, et maintenant était au fond du gouffre. Dans les deux sens du terme ; les propos du chapelier l’avaient sacrément déstabilisée. Elise avait désormais le choix entre deux mondes, deux mondes plongés dans la folie. L’un froid, sinistre, austère, où les humains n’avaient pas leur place alors qu’il avait été façonné par eux-mêmes, l’autre coloré, chaud mais malsain, incroyablement malsain. A ces pensées, le désespoir envahit Elise.
Que faire ? Tout laisser tomber ? Tout arrêter ? La folie de ce lieu l’étouffait, il fallait le quitter le plus vite possible. Avant qu’elle aussi ne devienne folle.
Devant elle, au sol, elle remarqua des traces de lièvre. Ah oui. Elle devait chercher un lapin dans un haut-de forme. Logique.
Suivre ces traces était probablement le meilleur moyen de trouver la sortie du chapeau. Incroyablement vaste et sombre, d’ailleurs, ce chapeau. On ne pouvait y voir à plus de trois mètres devant soi. Elise, sans trop savoir pourquoi, émettait une faible lumière lui permettant de se repérer. Etrangement, ce lieu évoquait les abysses. Oui, elle était un scaphandrier, en plongée dans le monde des fous.
Elise, en suivant les traces du lièvre, ne tarda pas à tomber sur des buissons. Se frayant un chemin dans la végétation, tout en suivant scrupuleusement les pas du lièvre, Elise avançait lentement mais sûrement. Pour finir par être totalement recouverte sous une sombre et épaisse forêt.
Elise remarqua que de nombreux fruits étaient attachés aux branchages, se balançant nonchalamment. C’étaient des fruits sombres, semblables à des mûres. Sauf qu’elles étaient pourvues d’oreilles. Les mûres ont des oreilles. Encore une astuce de ce monde de cinglé. Il devenait urgent de quitter cet endroit.
Plus loin, Elise croisa deux drôles de personnages, portant tout deux la redingote. Deux nains, fort différents. L’un n’avait pas de visage, semblait vide de tout corps ; en fait, on aurait dit un fantôme constitué de vêtements. L’autre, par contre, avait une tête formé d’un assemblage disparate et totalement désordonné de masques aux visages et aux expressions diverses. Il y en avait des centaines, peut-être plus.
Elle les avait aperçus en bougeant une des nombreuses branches du chemin. Les deux nains semblaient être en pleine discussion, et la jeune fille ne pût s’empêcher au bout d’un moment de prendre part à la conversation.
-Prends exemple sur le pâtissier ! dit le nain sans-visage.
-Quoi le boulanger ? répondit le nain à la centaine de masques.
-Alors que l’écrivain angoissait à cause de la page blanche, le boulanger, très altruiste, lui a offert un millefeuille ! Prête m’en un ! Juste un !
-Non, il est hors de question de…
Il fut arrêté par l’arrivée impromptue d’Elise. Ni une ni deux, le nain sans-visage la prit immédiatement à parti.
-Mademoiselle, dit-il, dite à cent-visages de m’en donner un !
-Je ne comprends pas… bredouilla Elise, fort confuse.
-C’est très simple, mademoiselle, avez-vous déjà vécu sans visage ? C’est mon nom d’ailleurs, « sans-visage », et j’aimerai en avoir un, je tuerai presque pour en avoir un ! Vous savez ce que c’est de vivre dans l’ombre des autres ? De devoir toujours se cacher dans l’anonymat ! Je veux être quelqu’un ! Devenir quelqu’un! Avoir une identité ! D’avoir une facette de moi-même à présenter au monde extérieur pour me faire des amis.
-Mais pourtant, si vous n’avez pas de visage, vous êtes facilement reconnaissable.
-Mais un visage permet de reconnaître les émotions ! Ce pingre en a des centaines, il peut bien m’en offrir un !
Et allez, Elise était encore repartie dans une loufoquerie sans queue ni tête. A ce moment, le nain au masque changea celui qu’il portait au milieu de son visage.
-Celui là me permettra de parler plus facilement avec une jeune fille, expliqua-t-il, je change régulièrement de visage, en fait, je change toujours de tête selon la personne à laquelle je m’adresse. On m’appelle « cent-visages ». Avec mes multiples facettes, je peux me faire beaucoup d’amis. Non, il est certain que je ne te laisserai jamais l’un de mes masques, je courrai le risque de déplaire à quelqu’un ainsi…
-Mais je ne demande pas grand-chose ! Juste un masque qui puisse servir dans la vie de tous les jours ! Un masque « normal », sans expression particulière, un visage neutre, naturel, simple, un visage ordinaire.
-Je n’ai… je ne pense pas avoir ce masque… Un masque naturel, mon « vrai visage » ? Je pense l’avoir oublié… Ou peut être je ne l’ai jamais eu…
-Il suffit ! Marre, marre, marre !!!
Elise était au bord de la crise de nerf. Cette énième rencontre extravagante l’avait achevé.
-Marre de ces monstres ! Marre de ces chimères ! Marre des fous ! Marre de ce monde ! Vous m’horripiler! Vous allez me rendre folle !! Je n’en peux plus…
Et sur ces mots, Elise fondit en pleurs.
-Mon dieu ! Cette petite fille parle comme l’ultime créature ! Celle qui est capable de tous nous détruire ! dit sans-visage.
-Oui ! Lui ! La chimère qui empêche les autres chimères d’approcher ! ajouta cent-visages
-Sniff… qui ça ?
-C’est l’ultime chimère ! Aucun doute que toi, tu pourras lui survivre ! Tu n’es pas de ce monde !
Un monstre permettant d’éviter tous les autres ? Mais c’est ce qui lui permettra de ne pas devenir folle ! La jeune fille sécha alors ses larmes et demanda :
-Et où pourrai-je la rencontrer ?!
-Il faut que tu quittes cette forêt, tout droit, tu n’as qu’à continuer à suivre les traces de lièvre.
La jeune fille remercia les jumeaux puis s’en alla, heureuse. Avant de partir, elle arracha une mûre pourvue d’oreilles, afin de garder un souvenir de ce drôle d’endroit.
Elise s’en alla, d’un pas décidé. Dans son dos, les deux nains continuaient de se disputer.
VI. Un petit chemin grisâtre.
Arrivée à la lisière du bois, Elise vit une étrange créature. C’était une gigantesque lanterne, pourvue d’énormes ailes de papillon. Elle virevoltait, tourbillonnait autour de ce qui semblait être des lampadaires. Puis, la créature ouvrit sa porte de verre, se penchant franchement sur la lumière de l’un des réverbères, comme une abeille butinant une fleur, avant d’absorber la lumière de l’engin pour l’amener dans sa flamme centrale.
-C’est étrange, pensa Elise à haute voix, je m’attendais plutôt à rencontrer une vessie qu’une lanterne.
Ça ne pouvait pourtant pas être le monstre ultime. Et pourtant, la forêt s’arrêtait à proximité de celui-ci, comme de la neige fuyant le soleil à l’ombre.
Elise s’approcha, pour finalement entrer totalement dans le halo de lumière de l’impressionnante bestiole. Et au même moment, Elise constata avec étonnement que la petite mûre qu’elle tenait dans sa main s’effaçait lentement, jusqu’à ne plus être qu’un minuscule tas de sable. La créature tuait réellement les autres chimères. En effet, on a tous déjà chassé nos monstres avec.une veilleuse avant le passage du marchand de sable. L’ultime chimère n’était qu’une veilleuse plus grosse que la moyenne.
Elise se demanda de quelle manière elle allait procéder pour demander à l’animal de la suivre sur les traces du lièvre. Mais, comme attirée par l’étrange lueur qu’Elise dégageait, la lanterne la suivait à distance respectueuse, volant au dessus d’elle.
La lumière qu’émettait l’animal était très agressive, mais au moins, elle y voyait bien plus clair. Elle n’avait plus qu’à suivre les traces du lièvre de mars sans se soucier des chimères alentour. Elle marchait à un rythme normal, tranquille.
Mais bientôt les secondes, les minutes puis les heures passèrent. Sans que rien ne change jamais. Toujours suivre les traces du lièvre de mars sur le sol. Ce voyage, d’abord tranquillisant, commençait à devenir rapidement monotone et ennuyeux. Elise attendait avec impatience l’arrivée d’un élément inattendu qui égaierait significativement le voyage. Car le voyage n’était plus qu’un chemin désespérément gris, ponctué ici et là par les traces du lièvre.
Avant, c’était la surabondance de loufoquerie qui l’exaspérait. Ironiquement, maintenant, c’était son absence qui la désespérait.
Aussi fut-elle extrêmement heureuse lorsqu’elle vit à ses pieds, couché sur le sol, un étrange cercle doré roulé en boule. Les pas du Lièvre s’arrêtaient pile devant cette chose… Puis, comme gênée par la présence d’Elise, la créature se remit sur ses pattes.
-Un cloporte ? demanda Elise.
-Plus qu’un cloporte, un cloporte-bonheur. répondit la créature.
C’était un cloporte à la carapace dorée, doté de pattes de lapins –Voilà d’où venaient les traces ! -, une créature aux yeux de rubis et avec pour antennes deux trèfles à quatre feuilles.
-Mais comment… pourquoi… comment se fait-il que vous puissiez survivre à la lumière ?
-Sache qu’on me connait sous d’autres noms ; veine, chance, fortune… Je suis la seule chimère auquel les adultes croient encore, ce qui explique que je puisse survivre à la lumière. Ils sont incrédules lorsque leurs enfants leur parlent des monstres sous le lit, et pourtant, ils poursuivent la roue de la fortune… Dans ton cas… La richesse ne te comblerait pas… Pas plus que l’amour… Ne me regarde pas comme ça, c’est la vérité… Oui, un bon conseil… Je peux te donner un bon conseil avant de partir… « Choisis la voie médiane ».
-La voie médiane ?
-Oui, je ne peux pas t’en dire beaucoup plus. Il existe une voie médiane entre ces deux mondes que tu trouves si monstrueux. C’est à toi de trouver cette voie. Et je ne pense pas que rester seule avec cette lanterne géante t’aidera à la trouver. Eviter l’imaginaire finirai par te tuer. Continue un peu plus loin, la fin de ton périple est proche.
Et sur ce, la Fortune s’enfuit, puis disparut dans l’obscurité.
La décision d’Elise était prise, elle allait explorer seule ce pays des merveilles, pour trouver cette voie médiane. Pour cela, il fallait qu’elle sème ce papillon-lanterne, ce papillon de minuit. C’est de cette manière que la jeune fille l’aurait nommé en tout cas.
Elise s’élança donc dans l’obscurité, pour fuir le halo-prison de la lanterne, qui décimait toute chimère. Et y parvint, bien que la lanterne la suive de près. Finalement, la lanterne ne fut plus qu’un minuscule point lumineux au loin.
VII. Happy Beginning ?
Elise s’arrêta enfin de courir. Après avoir vu une mante pas très religieuse, la petite mort, On, le sans queue ni-tête, le chapelier fou, le loir, un sommeil soir, un papillon de minuit, sans visage et cent-visage et enfin un cloporte-bonheur, elle le sentait, l’aventure touchait à sa fin.
Devant-elle, des milliers d’oiseaux étaient perchés sur un immense chêne. Des alouettes aux mouettes, en passant par les hiboux et autres chouettes, ou encore autruches et perruches.
Mais, au milieu de tous ces oiseaux, il y en avait un totalement différent des autres. C’était une fenêtre, battant des volets pour s’envoler. C’est forcément lui, l’oiseau rare, pensa Elise.
Alors, Elise s’élança vers l’animal. Qui, comme tout oiseau qui se respecte, tenta de s’envoler. Elise sauta pour l’attraper, et certainement quitter ce monde. Sauf qu’au dernier moment, elle trébucha sur une des nombreuses veines qui parsemaient ce pays. Et tomba à l’intérieur de la fenêtre, une fenêtre ouverte sur le monde.
Elle rebondit sur un canapé extrêmement doux. Elle était à l’intérieur de quelque chose. C’était un salon feutré, couvert de magnifiques tableaux et de bibliothèques, où les livres jonchaient le sol ici et là. Des instruments de musiques divers et variés parsemaient la pièce, et une douce mélopée enveloppait le salon. C’est un joyeux bric à brac, songea Elise.
Elle s’installa alors à un bureau, où une plume et un encrier l’attendaient. Lorsqu’elle s’assit, un panneau s’ouvrit juste devant elle. Comme dans le salon du capitaine Nemo dans Vingt Mille lieues sous les mers. Sauf que de son hublot, Elise ne pouvait observer l’incroyable faune sous marine, si riche et fascinante. C’était quelque chose de tout aussi vaste. Elle pouvait, de ce salon, contempler le pays des merveilles. Son imaginaire.
Elise comprit alors. La voie médiane, c’était la voie de l’artiste. Le seul être capable de faire le lien entre les deux mondes. Pour elle, pourtant, tout restait à faire.
Elise s’éveilla alors au beau milieu de la nuit. Elle avait bien dormi. Un drôle de rêve. Décousu comme un rêve. Elle était arrivée à son arrêt et descendit du bus.
Etait-ce réellement un rêve ? Probablement oui. En tout cas, Elise venait d’y trouver les réponses à ces questions. Pour la jeune fille, tout venait de commencer. Elle sourit, seule, dans la rue. Les idées se bousculaient, les unes après les autres. Demain, elle commencerait à créer.
La jeune fille rentra chez elle, satisfaite, le splendide final d’Ommadawn clôturant cette magnifique soirée de janvier.
Annexe
Le morceau Ommadawn, de Mike Oldfield, existe bel et bien. En voici un extrait, issu du site Youtube.
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